La rédaction, Lusotopie 2001, p. 9-10 La nouvelle formule de Lusotopie Le numéro 2001 de Lusotopie est à la fois le dernier d'une série annuelle commencée en 1994 avec la parution du volume consacré aux « géopolitiques des espaces lusophones », et le premier d'une formule semestrielle, à laquelle nous souhaitons le même succès. Cette modification du rythme de la publication n'est pas purement formelle. Elle exprime notre volonté de mettre en place un système dabonnement et d'évoluer vers des livraisons qui se rapprochent de la périodicité et du format adoptés en général par les revues intellectuelles et scientifiques, et de renoncer à la somme impressionnante qui faisait jusqu'à maintenant la réputation de Lusotopie, mais aussi la servitude de Michel Cahen, son rédacteur-en-chef et principal maître d'uvre. Responsable des huit premiers numéros de Lusotopie, ce dernier manifestait depuis longtemps le désir de passer le relais. Il vient de le transmettre à une nouvelle rédaction (dont il continue à faire très activement partie). Ce changement dans la continuité impose que lon rappelle les grands principes qui sont à lorigine de lAssociation des chercheurs de la revue Lusotopie et que lon expose les faits nouveaux qui ne manqueront pas den altérer le sommaire. Le centre de gravité de la revue qui reposait jusquici sur le seul Centre d'étude dAfrique noire de lInstitut détudes politique de Bordeaux, s'est ainsi dédoublé : à Bordeaux, où demeurent le secrétariat technique et la présidence de lassociation, vient désormais sajouter l'École normale supérieure, à Paris, dont l'Unité mixte de recherche IRD/ENS « Territoires et mondialisation dans les pays du Sud », dirigée par Hervé Théry, abrite la rédaction. Le recrutement des membres de celle-ci a logiquement reposé sur le volontariat des chercheurs de l'association Lusotopie, qui possède et publie la revue. Alors que le noyau fondateur était surtout africaniste, le hasard des bonnes volontés a voulu que la nouvelle rédaction soit caractérisée par une très forte présence de spécialistes du Brésil. Il ne s'agit en rien d'un parti-pris délibéré. La nouvelle rédaction reste au contraire très attachée à la spécificité de Lusotopie, laquelle consiste à aborder l'ensemble des espaces et des communautés de langue portugaise ou luso-créole, et tout particulièrement ceux dont on parle peu. Elle appelle donc les membres de l'association Lusotopie qui ne font pas partie de la rédaction, ainsi que nos lecteurs, à nous aider à assurer une juste représentation des cinq continents dans la revue, en nous envoyant des articles, des informations, et des comptes rendus. Les principes qui sont à l'origine de Lusotopie demeurent les mêmes. L'association et sa revue sont nées en effet d'un double constat. Il savérait que les études « portugaises » (et les rares études luso-africaines) en France ceci était beaucoup moins vrai des études brésiliennes avaient été longtemps le domaine exclusif des littéraires et des linguistes et quelles accordaient peu de place aux sciences humaines et sociales. Lusotopie, revue dinvestigation politique au sens le plus large possible, sadresse en priorité à ces disciplines. Le second phénomène auquel on a prétendu remédier est la dispersion institutionnelle des spécialistes des pays et communautés de langue portugaise, répartis dans des centres de recherches sur l'Amérique latine, l'Afrique, l'Asie, ou l'Europe ibérique ou méditerranéenne. Il s'agit là d'un fonctionnement normal de la recherche, mais la nécessité d'un lieu de rencontre entre des chercheurs, qui se consacrent à des régions où la colonisation portugaise a légué des traditions politiques et culturelles, se faisait sentir : Lusotopie joue ce rôle, mais elle est dautant moins une revue culturelle de la lusophonie quelle travaille aussi sur des lieux qui ne sont pas nécessairement, ou ne sont plus, lusophones (Agudas du Bénin, Goa contemporaine, hinterland africains, etc ), bien quils aient été façonnés par lexpansion portugaise. Cest cette démarche qui a rendu nécessaire le concept de lusotopie, bien distinct de celui de lusophonie. La plupart des
rubriques sont conservées, même si nous avons créé la section « Regards »,
afin de présenter, en plus des études publiées dans le dossier ou les mélanges, des
points de vue, des témoignages, des itinéraires personnels. Cest Alain Pascal Kaly
qui est le premier à sessayer au genre. Au-delà des impératifs d'information scientifique, l'ambition de la revue a toujours été d'inviter les spécialistes des pays et communautés de langue portugaise à réfléchir sur le monde contemporain à partir de leurs connaissances et de l'expérience acquise dans les régions lusophones qu'ils fréquentent. Ce sont les problèmes que nous plaçons au premier plan du débat, et non d'éventuelles spécificités culturelles. Nous partons en effet de l'idée que l'on peut penser le lien politique, les transformations sociales, les effets de la mondialisation, les recompositions identitaires, à partir du Mozambique, de São Tomé, de l'Angola, du Brésil, de Timor, du Cap-Vert, de Goa, du Portugal ou des populations émigrées. C'est là la contribution des chercheurs de Lusotopie à la tâche difficile et urgente de décolonisation et de « dénationalisation » des sciences humaines et sociales. Cette démarche s'inscrit dans la tradition de la revue intellectuelle, laquelle associe la compétence académique et l'engagement dans une Cité qui ne saurait évidemment recouper les contours de l'État-nation. Il faut répéter que Lusotopie est une revue qui, bien que publiée en France, est internationale, pluridisciplinaire, plurilingue et foncièrement attachée à la fonction critique du travail intellectuel. Septembre 2001 La rédaction |